Cadre Théorique
Une coordination précise et rapide
des muscles vocaux, de la face et respiratoires est nécessaire afin d'émettre un
son et ainsi pouvoir communiquer (chez l'être humain, l'ensemble des sons émis sera appelé la parole). Ce processus se base sur un apprentissage
moteur qui est intrinsèquement lié aux feedback auditifs1, de
c e fait, « l’apprentissage vocal » est considéré comme un processus
sensorimoteur2 (la combinaison de l'audition et des séquences motrices permettant le mouvement et la coordination des muscles participants à l'émission de la parole). Chez l’humain, un enfant
apprend à reproduire et répéter les sons que produisent ses parents. Les
circuits neuronaux connus pour être essentiel dans l'adaptation sensorimotrice
et l'apprentissage sont :
- La boucle
ganglio-thalamo-corticale (avec les ganglions de la base) (cf figure ci-dessous gauche)3
- La boucle
cerebello-thalamo-corticale (cf figure ci-dessous droite) 4
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Schéma légendé de la boucle ganglio-thalamo-corticale (Coupe frontale d'un cerveau humain) |
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Schéma légendé de la boucle cerebello-thalamo-corticale. (Coupe sagittale d'un cerveau humain) |
Ainsi, pour réaliser ce processus, les ganglions de la base participent à l'initiation/la des commandes motrices (ce sont un ensemble de structures sous-corticales). Le thalamus participe également car il est l'un des principal centre de relais et d'intégration des afférences sensitives et sensorielles et des efférences motrices de l'organisme. Le cervelet (pour cerebello), quant à lui, interviendra plutôt dans le processus "final", soit après la prise de décision : le mouvement. Il est impliqué dans les coordinations sensori-motrices et a de nombreux rôles tels que la planification du mouvement, l'équilibre ou l'apprentissage (dont les apprentissages langagiers).
Pour étudier le fonctionnement exact de ces mécanismes neuronaux, les études sont généralement faites avec les oiseaux chanteurs. Elles ont beaucoup apporté à la compréhension de l'apprentissage vocal, entre autres :
- comment les circuits neuronaux encodent des souvenirs à partir de modèles sociaux et permettent ensuite de les réutiliser pour l'apprentissage par imitation
- comment le feedback sensoriel est intégré afin de comparer l'action/ vocalise effectuée à l'action-modèle
- comment le cerveau met en place un système de correction de l'erreur durant l'apprentissage moteur par imitation afin de maintenir tout au long de la vie ce modèle de vocalises
Pour autant, si des évidences scientifiques montrent une implication forte du cervelet dans l’apprentissage vocal de l’humain (des individus lésés du cervelet perdant leur habilité à apprendre et à s’adapter pour différentes tâches sensorimotrices, la perception du temps), aucune étude ne l’a montré chez l’oiseau chanteur. Des études anatomiques ont pourtant apporté des éléments donnant à penser que le cervelet semblait en lien avec les circuits de l’apprentissage vocal, mais aucune preuve directe n’a été apportée.
Doupe et Kuhl (1999)2 ont travaillé sur les mécanismes neuronaux de l'apprentissage vocal des
oiseaux chanteurs et ont montré
que ce dispositif chez les oiseaux partageait beaucoup de similarités
avec les mécanismes connus chez les humains concernant l'apprentissage
vocal. Aujourd'hui, il est montré que la structure
anatomique et les fonctions de ces circuits dans l’apprentissage sensorimoteur
sont bien conservées dans l’évolution chez les vertébrés5.
Pidoux et al. (2018), se sont donc demandés : le cervelet est-il impliqué dans l’apprentissage vocal et la production de chant chez l’oiseau tel que cela a été montré chez l’humain ?
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Schéma simplifié illustrant la problématique des auteurs |
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Diamant Mandarin (Taeniopygia guttata) |
Par cette étude, les auteurs ont apporté les premières preuves directes de l’implication du cervelet dans cet apprentissage sensorimoteur complexe chez le Diamant Mandarin (une espèce d'oiseau-chanteur très utilisées dans les études sur le chant et le langage), et ont confirmé la pertinence de ce modèle oiseau dans ce champ de recherche scientifique.
DOI: https://doi.org/10.1121/1.417951, PMID: 8865648
2 Doupe AJ, Kuhl PK. 1999. Birdsong and human speech: common themes and mechanisms. Annual Review of Neuroscience 22:567–631.
DOI: https://doi.org/10.1146/annurev.neuro.22.1.567, PMID: 10202549
Kuhl PK, Meltzoff AN. 1996. Infant vocalizations in response to speech: vocal imitation and developmental change. The Journal of the Acoustical Society of America 100:2425–2438.
DOI: https://doi.org/10.1121/1.417951, PMID: 8865648
3 Krakauer JW, Mazzoni P. 2011. Human sensorimotor learning: adaptation, skill, and beyond. Current Opinion in Neurobiology 21:636–644.
DOI: https://doi.org/10.1016/j.conb.2011.06.012, PMID: 21764294
Pekny SE, Izawa J, Shadmehr R. 2015. Reward-dependent modulation of movement variability. Journal of Neuroscience 35:4015–4024.
DOI: https://doi.org/10.1523/JNEUROSCI.3244-14.2015, PMID: 25740529
4 Brooks JX, Carriot J, Cullen KE. 2015. Learning to expect the unexpected: rapid updating in primate cerebellum during voluntary self-motion. Nature Neuroscience 18:1310–1317.
DOI: https://doi.org/10.1038/nn.4077, PMID: 26237366
Izawa J, Criscimagna-Hemminger SE, Shadmehr R. 2012. Cerebellar contributions to reach adaptation and learning sensory consequences of action. Journal of Neuroscience 32:4230–4239. DOI: https://doi.org/10.1523/JNEUROSCI.6353-11.2012, PMID: 22442085
DOI: https://doi.org/10.1016/j.cub.2016.06.041, PMID: 27780050
Redgrave P, Prescott TJ, Gurney K. 1999. The basal ganglia: a vertebrate solution to the selection problem?
Neuroscience 89:1009–1023. DOI: https://doi.org/10.1016/S0306-4522(98)00319-4, PMID: 10362291
Sultan F, Glickstein M. 2007. The cerebellum: comparative and animal studies. The Cerebellum 6:168–176.
DOI: https://doi.org/10.1080/14734220701332486, PMID: 17786812
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