Résumé Expert

Problématique : Est-ce que le cervelet est impliqué dans l’apprentissage vocal et la production de chant chez l’oiseau tel que cela a été montré chez l'humain ?

      Parler est une capacité sensorimotrice complexe qui mobilise de nombreux systèmes neuronaux, tant sur le plan moteur, que mnésique ou auditif. Les systèmes cérébraux sont majoritairement étudiés, mais des études montrent également une importante implication du cervelet dans la production du langage chez l'humain. Dans cette étude, les auteurs apportent les premières preuves directes de l’implication du cervelet dans l'apprentissage sensorimoteur du chant chez les jeunes diamant-mandarins. 
      Ils apportent de nouvelles connaissances anatomiques et fonctionnelles sur les voies neuronales qui sous-tendent cet apprentissage. Par des mesures électrophysiologiques sur animal anesthésié,  ils montrent que les noyaux profonds du cervelet (Deep Cerebellar Nuclei : DCN) projettent sur le thalamus (Dorsal Thalamic Zone : DTZ), qui à son tour projette sur les noyaux des ganglions de la base responsable de l'apprentissage du chant (nommés "Aire X") (Figure 1A et B, les figures présentées ici ne présentent pas la preuve que les DCN projettent sur le thalamus). Grâce à des lésions pharmacologiques, ils fournissent également des preuves de projections fonctionnelles excitatrices (glutamatergiques) entre la partie latérale des noyaux cérébelleux profonds et le noyau ganglial basal relatif au chant dans l'Aire X (Figure 1C et D), le tout faisant relai vers le thalamus dorsal (Figure 1E et F) : des connections di-synaptiques entre le cervelet et l'aire X sont ainsi établies anatomiquement et fonctionnellement. Des lésions partielles du cervelet (DCN latéral, Figure 2A et B) affecte fortement l'apprentissage vocal des juvéniles et notamment leur score d'imitation durant la phase de cristallisation (Figure 2C). Elles entravent aussi les modifications de chant que les jeunes font entre la phase sensorimotrice et la cristallisation (Figure 2D). Toutefois, si ces lésions du cervelet affectent l'apprentissage vocal du jeune mandarin au niveau des propriétés temporelles du chant, elles n'ont aucun impact sur le changement de la fréquence des courants harmoniques entre l'apprentissage et la cristallisation (Figure 2E) 
Ainsi, les auteurs démontrent dans ce même temps la pertinence du modèle des oiseaux chanteurs dans la recherche scientifique sur l'apprentissage par imitation du chant (chez l'oiseau) ou du langage.




FIGURE 1 : 
(A) Schéma du circuit du chant des oiseaux chanteurs. Pour chaque schéma du circuit du chant, les chercheurs ont mis en évidence les noyaux impliqués dans l’expérience sur la figure en couleur, tandis que les autres noyaux connus du circuit du chant sont en gris. Les couleurs utilisées sont différentes pour chaque voie :
En rouge, pour le circuit basal ganglio-thalamo-cortical lié au chant, composé du noyau des ganglions de la base (Aire X), du noyau thalamique DLM, et du noyau cortical LMAN.
En vert,  pour le circuit cérébello-thalamique des ganglions de la base à travers le DCN et la DTZ.
En noir, pour la voie motrice composée de HVC et RA.
Ici, des stimulations ont été effectuées dans le DCN lors de l’enregistrement des neurones pallidaux dans l’aire X.
HVC : Hyperstriatum Ventrale, pars caudalis → Centre vocal supérieur, RA : noyau Robuste de l’Archopallium, LMAN : noyau Magnocellulaire Latéral du Nidopallium Antérieur, DLM : partie médiane du noyau dorsolatéral du thalamus antérieur, DTZ : zone thalamique dorsale, DCN : Noyaux profonds du cervelet,   
(B) Vingt traces d’enregistrement extracellulaire superposées autour de la stimulation du DCN montrent une augmentation du nombre de pics produits par un neurone du pallidum représentatif à la suite de la stimulation du DCN (rectangle gris) par rapport à l’état basal.
(C) Schéma du circuit du chant des oiseaux chanteurs, comme pour la Figure 1A. Les enregistrements ont été effectués dans l’aire X et les substances pharmacologiques NBQX et APV (respectivement antagonistes des récepteurs AMPA et NMDA) ont été appliqués au niveau de l’aire X à proximité du neurone enregistré.
(D) Données de population montrant l’évolution de force de réponse des neurones pallidum avant, pendant et après application de l'antagoniste. n = 8 neurones du pallidum chez 7 oiseaux, test de Wilcoxon jumelé, p<0,001. Dans cette figure et les suivantes, les étoiles indiquent le niveau de signification (*p<0.05; **p<0.01; ***p<0.001).
(E) Schéma du circuit du chant des oiseaux chanteurs, comme pour la Figure 1A. Les enregistrements ont été effectués dans l’Aire X et les substances pharmacologiques NBQX/ APV ont été appliquées dans le DTZ.
(F) Données de population montrant la force de réponse des neurones du pallidum pour les trois conditions (référence ou état basal, médicament et lavage après application du médicament, n = 16 neurones pallidum chez 8 oiseaux, test de Wilcoxon jumelé, p<0,001). 


FIGURE 2 : 


(A) Schéma du circuit du chant des oiseaux chanteurs, comme pour la Figure 1A, représentant la lésion des DCN.
(B) Diagramme des périodes d’apprentissage du chant chez les oiseaux chanteurs : la période sensorielle, la période sensorimotrice où les juvéniles commencent à produire des sons, et la phase de cristallisation où le chant de l’oiseau est cristallisé/ fixé et ne sera plus modifié. Les lésions ont été faites à 60 jours après éclosion (60 dph : days post hatch).
(C) Le score d’imitation à la phase de cristallisation est significativement plus grand dans le groupe de la simulation de la lésion (groupe SHAM) que dans le groupe avec les DCN lésés (n = 7 oiseaux avec une grande lésion, n = 6 oiseaux de la simulation de la lésion (SHAM), test de Wilcoxon, p<0,05).
(D) Trajectoire d’apprentissage pour la durée des syllabes dans les groupes juvéniles avec simulation de la lésion (vert) et avec lésion (rouge). La trajectoire d’apprentissage est déterminée par la différence entre les changements relatifs de la durée de syllabes à la phase de cristallisation (Jours 90 à 91) et les changements relatifs de la durée de syllabes au cours des jours 5-6 après la lésion. Les changements de durée liés à l’apprentissage dans le groupe lésionnel diffèrent significativement de ceux du groupe fictif sham (n = 21 syllabes dans le groupe lésionnel, moyenne : 4±2,7 %, n = 24 syllabes dans le groupe fictif, moyenne : 12,1±1,9 %, test de Wilcoxon, p = 0,016).
(E) Trajectoire d’apprentissage pour la fréquence fondamentale des courants harmoniques dans les groupes sham (vert) et lésionnels (rouge). Les trajectoires d’apprentissage pour la fréquence fondamentale étaient semblables dans les deux groupes (groupe fictif, n = 10 courants harmoniques, moyenne : 2,7±1,9 %, groupe lésionnel, n = 19 courants harmoniques, moyenne : 1,6±1,5 %, test de Wilcoxon, p = 0,50).



































Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Accueil